RETOUR A FUKUSHIMA

Publié le par Yves Garipuy

 

5 mai 2011

Dans la centrale de Fukushima, la situation perd progressivement de son acuité, et dans les médias, le soufflé retombe un peu aussi. On peut comprendre l’émotion qu’a provoquée cet évènement, qui tient beaucoup au caractère insidieux de la radioactivité, que nos sens ne perçoivent pas, mais qui en détériorant l’ADN de nos cellules, peuvent provoquer le cancer (pour une absorption supérieure à 100 mSv).

Il nous reste encore à évaluer cet épisode de façon objective, en ayant en tête cette question : le nucléaire est-il viable dans nos sociétés ? Remarquons d’abord la disproportion des réactions face, d’un côté à l’horreur du tsunami, qui a broyé toute une région en faisant 30 000 morts, que l’on peut baptiser de catastrophe majeure, et de l’autre Fukushima, que l’on doit plutôt appeler un accident grave, qui n’a fait aucun mort, et une irradiation faible d’opérateurs (pour un taux maximum admissible de 250 mSv par personne, 3 personnes ont eu des doses de 170 mSv et 18 de plus de 100 mSv).

 

Les dispositifs de sécurité ont fonctionné parfaitement

L’accident de Tchernobyl avait été beaucoup plus grave : un réacteur avait explosé en plein fonctionnement, et étant dépourvu d’enceinte de confinement, une quantité de matière radioactive équivalente à 10 fois celle de Fukushima avait été dispersée dans la nature.

A Fukushima, le plus fort séisme qu’ait connu le Japon (et qui était quatre fois plus puissant que celui avec lequel on avait dimensionné la centrale) n’a pas empêché les dispositifs de sécurité de fonctionner parfaitement.

Dès le séisme détecté par les accéléromètres, les barres de carbure de bore ont été insérées entre les barres de combustibles, stoppant immédiatement la réaction en chaîne de la fission atomique. Le cœur a été isolé automatiquement, et son refroidissement mis en route. Celui-ci est opéré par des pompes à eau électriques. Certes, le séisme a fait disjoncter le réseau électrique, mais, conformément à la procédure, des groupes électrogènes ont automatiquement démarré.

Tout allait bien donc, jusqu’à l’arrivée de cette horrible vague géante (10 mètres de haut, alors que la centrale n’était surélevée que de 6 mètres). Les groupes électrogènes, qui sont au niveau du sol, ont été noyés et se sont arrêtés l’un après l’autre. Et les ennuis commencèrent. L’eau de refroidissement qui ne circule plus chauffe puis se vaporise, créant une surpression qui est probablement la cause d’une fissuration des enceintes de confinement, à l’origine de fuites radioactives. Il y a bien un système de refroidissement de secours, dont les pompes fonctionnent avec la vapeur générée par le réchauffement du cœur, mais qui nécessite qu’une vanne électrique soit ouverte, et les batteries qui l’alimentent en secours ont une autonomie limitée… le réchauffement reprend, avec des conséquences graves : l’eau se décompose en oxygène et hydrogène, ce dernier gaz, très léger, s’accumulant au sommet du bâtiment, et finissant par exploser en soufflant le toit.

 

Seule la maximisation de la production comptait

La cheminée à pompe électrique qui aurait dû évacuer l’hydrogène n’a elle non plus pas pu fonctionner. Pour éviter l’explosion des enceintes de confinement, on doit relâcher dans l’atmosphère des bouffées de vapeur radioactive. Une pollution extérieure s’est donc produite, nécessitant l’évacuation d’une zone limitrophe de la centrale. On craint aussi une fusion du cœur, qui a dû se produire partiellement.

Le simple énoncé de ces évènements semble indiquer que des solutions palliatives devraient être possibles, telle que, par exemple, l’installation en hauteur des groupes électrogènes (on pourrait aussi faire une installation étanche, comme dans les sous-marins). On peut penser aussi que l’EPR français aurait mieux réagi (Anne Lauvergeon a affirmé qu’avec l’EPR, aucun rejet extérieur de radioactivité n’aurait été possible). Ce qui est certain, c’est que cet accident va permettre d’améliorer dans le monde entier la sécurité de ces installations.

Au titre des dysfonctionnements, il faut mentionner l’attitude du propriétaire des centrales, TEPCO (Tokyo Power Company), qui exploite au Japon 17 réacteurs nucléaires. L’exploitant a systématiquement dissimulé les anomalies rencontrées depuis l’installation des réacteurs, et même falsifié les rapports d’inspection. Seule la maximisation de la production comptait. L’autorité de sûreté nucléaire japonaise a été bafouée. Ce scandale a éclaté au grand jour au Japon, qui envisage de nationaliser TEPCO.

 

Le lot commun de toute industrie

Sur ce plan, on peut dire que la situation française est plus satisfaisante. L’autorité de sûreté nucléaire est réellement indépendante (son président ne peut être démis de ses fonctions, de par la loi), et peut arrêter à tout moment toute installation. Sa compétence est reconnue dans le monde entier (y compris au Japon). La transparence sur le moindre incident est totale.

Quelles conclusions tirer de cet évènement ? On peut se dire légitimement que le risque zéro n’existera jamais, qu’un accident grave restera possible (même si l’on fait fortement chuter sa probabilité), avec toute l’angoisse attachée à l’aspect particulier du danger nucléaire. Mais c’est le lot commun de l’industrie. Un tribut est hélas à payer pour bénéficier du progrès technique. Mais il n’est pas pire pour le nucléaire que pour d’autres techniques : n’oublions pas que l’extraction du charbon fait aujourd’hui en Chine 3 à 5000 morts par an. Ce qui doit nous inciter à nous battre toujours pour améliorer la sécurité. Sans nous laisser comme seule alternative le retour à un stade très archaïque de la société. 

Publié dans Energie

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